
Eve Kosofsky Sedgwick,
Épistémologie du placard
« Sedgwick attaque ce trompe-l’œil qu’est le régime moderne de la sexualité par lequel, à partir du XIXe siècle, chacun est nécessairement assigné à une identité sexuelle. »
L’homosexualité et l’hétérosexualité sont historiquement et socialement co-construites. À partir de ce constat foucaldien, Eve Kosofsky Sedgwick analyse les rapports de domination à l’œuvre entre ces catégories, qui engendrent une série de binarismes (secret/révélation, privé/public, masculin/féminin, épanoui/décadent, art/kitsch) qui structurent toute la pensée occidentale.
L’autrice met au jour l’existence d’un trope du « placard », qu’elle décèle en filigrane des textes canoniques de la littérature française et anglosaxonne de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Plus largement, la prévalence de ce schéma narratif révèlerait l’assignation quasi automatique des personnages de fiction à une identité gaie, plus ou moins fantasmée et cryptique, à chaque entorse à la norme hétérosexiste. Les opérations, d’une part, de mise en doute de l’hétérosexualité des protagonistes, et d’autre part, de placardisation, révèlent les discours et les représentations qui imprègnent, au-delà des écrivains et des lecteur·ices, l’ensemble des sociétés occidentales depuis deux siècles.