Philosophe et sociologue franco-brésilien, Michael Löwy est directeur de recherche émérite au CNRS.
Auteur : Editions Amsterdam
Étincelles écosocialistes
« L’écosocialisme est fondé sur cette constatation : il n’y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme. »
Il n’y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme. Ce qui s’y présente comme un progrès est toujours marqué du sceau de la destruction, et contribue à accentuer la rupture entre les sociétés humaines et la nature. Renverser cette dynamique implique une réorganisation d’ensemble des modes de production et de consommation de nos sociétés – autrement dit, une véritable rupture civilisationnelle. Le projet écosocialiste est l’utopie concrète qui porte cette rupture. Adossé à une vision exigeante de la planification démocratique, il entend concilier la satisfaction des véritables besoins des populations et le respect des équilibres de la planète.
Dans cet ouvrage, Michael Löwy propose une vue d’ensemble de la genèse, des enjeux et des manifestations de ce projet. Présentant ce que l’écosocialisme doit tant à la pensée de Karl Marx qu’à celle de Walter Benjamin, il en déplie les implications à la fois politiques et éthiques – au premier rang desquelles se trouve l’existence d’un lien intime entre lutte contre la marchandisation du monde et défense de l’environnement, résistance à la dictature des multinationales et combat pour l’écologie.
Claire Pagès
Claire Pagès est agrégée de philosophie, professeure à l’Université Paris Nanterre en philosophie sociale et politique et ancienne directrice de programme au Collège international de philosophie.
Pierre Clastres
« L’histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l’histoire de la lutte des classes. L’histoire des peuples sans histoire, c’est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l’histoire de leur lutte contre l’État. » (Pierre Clastres)
Penser les sociétés dites « primitives » non pas comme des sociétés sans État mais comme des sociétés contre l’État, telle est la révolution copernicienne opérée par Clastres dans le champ de l’anthropologie politique.
Au côté de James C. Scott et de David Graeber, Clastres est une des figures éminentes de ce qu’il est convenu d’appeler « l’anthropologie anarchiste ». Pour cette dernière, il s’agit avant tout de s’intéresser aux sociétés qui ont constitué des mécanismes de résistance à la verticalisation du pouvoir et qui se sont employées à limiter le risque de voir apparaître des institutions autoritaires et des rapports de domination.
Dans nos sociétés à État, à l’heure où les formes du contrôle étatique et de la dépossession politique se renouvellent et s’intensifient, la pensée de Clastres constitue une ressource inestimable pour qui s’interroge sur notre consentement à la domination et sur les moyens de nous rendre ingouvernables.
Yoan Vérilhac
Maître de conférences en littérature à l’Université de Nîmes, Yoan Vérilhac est spécialiste de la presse des XIXe et XXe siècles et de l’histoire de la culture médiatique.
Sensationnalisme
« Il est contre-intuitif, pour des intellectuels, de trouver essentiel et utile, politiquement, de bavarder, voire de consommer le flux sensationnaliste qu’offrent les médias. »
Qu’ont en commun la presse people et les chaînes d’information en continu ? Les highlights sportifs et les magazines de faits divers ? Toutes ces productions culturelles sont sensationnelles, elles captent leur audience par le frisson. Né au XVIIIe siècle, le paradigme sensationnaliste s’est largement diffusé avec l’avènement des médias de masse et de la publicité. Ainsi est-il devenu la cible de critiques faciles, qui identifient ses manifestations à un bavardage trompeur et superflu faisant obstacle à l’émancipation de leur public. Rien n’est plus faux. Consubstantiel à la démocratisation des sociétés, le sensationnalisme accompagne l’extension de la sphère de la délibération et préserve en quelque sorte les citoyens de l’angoisse de la décision permanente. Parce qu’elle fait constamment circuler le plaisir de la simple présence, parce qu’elle intensifie le sentiment d’actualité, mais aussi parce qu’elle fait l’objet d’un dénigrement rituel, cette culture de l’insignifiance et de la superficialité se révèle un puissant vecteur de cohésion sociale. Par là même, elle rend vivable la double injonction, proprement moderne, à l’individualisme et à la grégarité.
Max Liboiron
Max Liboiron est professeur·e de géographie à Memorial University (Terre-Neuve-et-Labrador) et dirige CLEAR, laboratoire interdisciplinaire dédié à la pollution plastique.
Polluer, c’est coloniser
« Les structures qui rendent possibles la distribution mondiale des plastiques et leur complète intégration dans les écosystèmes et le quotidien des humains reposent sur une relation coloniale au territoire – c’est-à-dire sur le présupposé que les colons et les projets coloniaux ont accès aux terres autochtones pour mener à bien leurs visées d’occupation et de colonisation. »
Salué comme incontournable dès sa parution en anglais, Polluer, c’est coloniser est d’abord un livre de méthode, qui cherche à définir une éthique, une manière collective d’être au monde. Au fil d’une enquête sur l’histoire, la conception et la réglementation de la pollution engendrée par les plastiques, il montre que cette dernière n’est pas une expression ou un effet du colonialisme mais la mise en œuvre de rapports coloniaux à la terre, rapports que peuvent involontairement reproduire des militant·es et des scientifiques animé·es des meilleures intentions.
Mais, éthique ne voulant pas dire leçon de morale, l’ouvrage rejette les jugements expéditifs et les idées toutes faites. La clé réside dans l’attention aux lieux : parce qu’une méthode est toujours située, inscrite dans des relations particulières à des territoires, elle est investie d’une responsabilité particulière vis-à-vis d’eux. S’appuyant sur un travail mené à Terre-Neuve-et-Labrador, Max Liboiron propose de bâtir une science anticoloniale, avec le double souci d’échapper aux cadres de pensée uniformisants et de livrer des enseignements dont d’autres, ailleurs, pourront s’emparer.
L’État, le pouvoir, le socialisme
« Le fondement de l’ossature matérielle de l’État et du pouvoir, c’est dans les rapports de production et la division sociale du travail qu’il faut le chercher, mais non au sens où on les entend habituellement… »
La réédition de L’État, le pouvoir, le socialisme, « classique » de la théorie politique dont la première édition remonte à 1978, s’inscrit dans les débats concernant les crises simultanées de l’Union européenne, du néolibéralisme et du capitalisme en général. Lire cet ouvrage aujourd’hui permet de comprendre que ces crises plongent leurs racines dans la structure des sociétés occidentales de l’après-guerre. Plus la crise économique s’approfondit, et plus le système devient autoritaire au plan politique. C’est ce que Poulantzas appelle l’« étatisme autoritaire », que l’on constate à présent au niveau européen, où des décisions affectant des millions de personnes sont prises hors de tout contrôle populaire. La seule alternative possible à ce système est le « socialisme démocratique », à savoir un socialisme qui dépasse le capitalisme sans pour autant sacrifier les libertés publiques.
Avec Michel Foucault, Gilles Deleuze, et Louis Althusser, auteurs dont il discute les thèses dans cet ouvrage, Nicos Poulantzas compte parmi les penseurs des années 1960-1970 dont le rayonnement international est aujourd’hui le plus important. Alors que l’édition de théories critiques françaises et étrangères a connu une grande vitalité depuis les années 2000, il était plus que temps de faire redécouvrir cet auteur majeur.
Pierre Gilbert
Pierre Gilbert est sociologue et politiste, maître de conférences à l’Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis et membre du CRESPPA-CSU.
Quartiers populaires
« Voir les cités autrement permet de s’émanciper d’une vision qui considère le peuplement comme le principal problème et qui fait du bulldozer et de la grue les principaux instruments du changement social. »
Au sommet d’une colline s’élèvent d’imposants bâtiments rectilignes, bordés d’un côté par des champs et, de l’autre, par des pavillons. Le paysage des cités charrie tout un imaginaire. Elles sont, depuis plusieurs décennies, le support d’une profusion de fantasmes. Après avoir symbolisé le confort moderne et le progrès social de l’après-guerre, leur image s’est rapidement dégradée. On a d’abord dénoncé les cages à lapin et la sarcellite ; plus récemment, on a fustigé des ghettos, des territoires perdus gangrenés par le séparatisme.
Pour combattre ces fausses évidences, qui renforcent la stigmatisation des minorités racisées et des fractions précaires des classes populaires, Pierre Gilbert rétablit ici la réalité des faits. S’appuyant sur une synthèse inédite des travaux en sciences sociales, il met en évidence les formes de ségrégation subies par ces quartiers, expose leurs particularités sur le plan des styles de vie, des relations sociales, du rapport à l’État, de l’emploi, des normes de genre, des aspirations. Et produit ce constat spectaculaire : les cités sont des lieux banals, et leurs habitants très semblables au reste des classes populaires.
Les Jacobins noirs
« Il est impossible de comprendre l’histoire de la Révolution française sans connaître – et bien connaître – celle d’Haïti. »
Au début de la Révolution française, Saint-Domingue est la plus grande colonie du monde et le plus important marché de la traite européenne des esclaves. Au mois d’août 1791, les esclaves entrent en révolte. Pendant douze ans, ils mettent tour à tour en déroute les Blancs de l’île, les soldats de la monarchie française, une invasion espagnole, une expédition britannique de près de soixante mille hommes et un contingent français identique, commandé par le beau-frère de Bonaparte. La défaite des troupes napoléoniennes, en 1803, permet la création de l’État noir d’Haïti.
C. L. R. James raconte, dans un récit haletant, la seule révolte d’esclaves qui ait réussi, la première lutte anticoloniale de l’histoire et les obstacles immenses dont elle a dû triompher. À sa tête, un esclave porté par les idéaux de liberté et d’égalité : Toussaint Louverture. Comment et pourquoi des hommes et des femmes qui, peu de temps auparavant, tremblaient devant les Blancs, se sont-ils organisés en un peuple capable de vaincre les principales puissances européennes de l’époque ? Tel est l’objet de ce classique, qui se voulait une contribution au combat contre l’impérialisme et reste riche d’enseignements pour notre époque.
Extrême droite : La résistible ascension
Les progrès électoraux de l’extrême droite ces trente dernières années ont installé l’idée de son arrivée inéluctable et imminente au pouvoir. Cette idée a trop souvent permis au personnel politique et médiatique de s’exonérer de l’analyse des causes profondes et de l’alternative à y opposer.
Cet ouvrage, coordonné par le sociologue Ugo Palheta, propose au contraire de comprendre, à l’aide des travaux les plus récents en sciences sociales, la façon dont la route a été pavée à l’extrême droite. Quelles dynamiques sociales ont poussé une partie croissante des élites et certaines fractions des classes populaires à se ranger derrière elle ? Par quels médias et sous quelles formes ont été imposés les discours racistes, sexistes et LGBTI-phobes qui portent l’extrême-droitisation ? Quels réseaux ont appuyé et conforté ce glissement ?
De la préface de l’historien Johann Chapoutot à la postface de Clémence Guetté, co-présidente de l’Institut La Boétie, il s’agit ici d’opposer à la fatalité une analyse précise des forces, mais aussi des failles, de l’extrême droite. Donc de montrer que cette ascension est plus résistible qu’il n’y paraît.
Pour prendre connaissance du sommaire, consultez le fichier « extrait ».
Willy Pelletier
Willy Pelletier est sociologue (Université de Picardie). Il a codirigé Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires ? (Le Croquant, 2023) et Manuel Indocile de sciences sociales (La Découverte, 2019). Il est l’auteur, avec Julie Gervais et Claire Lemercier, de La Valeur du service public (La Découverte, 2021).
Claire Lemercier
Claire Lemercier est historienne (CNRS), spécialiste des relations entre État et entreprises. Elle est notamment l’autrice, avec Pierre François, de Sociologie historique du capitalisme (La Découverte, 2021), et, avec Julie Gervais et Willy Pelletier, de La Valeur du service public (La Découverte, 2021).
Julie Gervais
Julie Gervais est politiste (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), spécialiste de la haute fonction publique et des cabinets de conseil. Elle a notamment publié L’Impératif managérial (Presses universitaires du Septentrion, 2019) et, avec Claire Lemercier et Willy Pelletier, La Valeur du service public (La Découverte, 2021).