L’esclavage dans les mondes musulmans

L’esclavage dans les mondes musulmans suscite de nombreux fantasmes et de multiples instrumentalisations. Cet ouvrage propose une mise au point rigoureuse et informée sur ce sujet, afin de couper court aux polémiques qui l’entourent.

Objet d’études scientifiques mais aussi et surtout de passions politiques, l’esclavage dans les mondes musulmans suscite de nombreux fantasmes et de multiples instrumentalisations. Pour couper court aux inlassables polémiques qui entourent ce sujet prétendument tabou, M’hamed Oualdi l’aborde dans cet ouvrage en historien, c’est-à-dire d’une manière attentive à la fois à l’établissement des faits et à l’appréhension de leur complexité.
Contre la vision homogénéisante d’un esclavage « islamique » unifié qui ne sert qu’à relativiser la gravité de la traite atlantique, il souligne la diversité des traites au sein de ces mondes depuis la période médiévale et la pluralité des formes que prend la servitude en leur sein. Il pointe aussi le caractère ambivalent des politiques abolitionnistes mises en œuvre par les puissances européennes au XIXe siècle, avant d’interroger la persistance de l’esclavage et des traumatismes qui lui sont liés dans les sociétés arabes et musulmanes contemporaines. Des premières traites aux « post-esclavages », ce sont ainsi non seulement les étapes marquantes dans l’histoire de ces sociétés qui sont restituées, mais aussi la trajectoire et la parole de millions d’hommes et femmes asservis.

La nature du capital

Comment le capitalisme compose-t-il un monde à son image ?

La crise socio-écologique du capitalisme produit de profonds effets sur la pensée contemporaine, qui semble prise d’un véritable vertige ontologique. Face aux catastrophes en cours, on voit se multiplier les travaux qui s’inquiètent de la réalité de la nature et de la manière dont s’y inscrivent les sociétés, tout se passant comme si la philosophie et les sciences sociales cherchaient à recomposer en pensée un monde que l’accumulation du capital tend à décomposer.
Cet ouvrage constitue une intervention marxiste dans ces controverses ontologiques. Il propose une interprétation nouvelle des Manuscrits de 1844, texte dans lequel, pour la première fois, Marx analyse la nature du capital : son essence ou sa définition et le type de rapport qu’on y entretient à la terre et à ses habitants. Frédéric Monferrand y montre que l’appropriation matérielle de la nature, parce qu’elle est constitutive de toute vie sociale, représente à la fois le lieu stratégique d’une transformation radicale du monde où nous vivons et l’enjeu historique d’une libération du monde dont nous vivons.

Olivier Le Cour Grandmaison

Olivier Le Cour Grandmaison enseigne les sciences politiques et la philosophie politique à l’université Paris-Saclay-Évry-Val d’Essonne. Il est l’auteur, notamment, de Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (Fayard, 2005), La République impériale. Politique et racisme d’État (Fayard, 2009), De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français (Zones/La Découverte, 2010), L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies (Fayard, 2014) et « Ennemis mortels ». Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale (La Découverte, 2019).

Racismes d’État, États racistes

« Racismes d’État, xénophobie institutionnelle ou de même nature, discriminations systémiques engendrées par des politiques publiques ou favorisées par l’absence de prise en compte de leur gravité, ce sont là nos objets. »

Depuis un certain nombre d’années, les procès en communautarisme puis en séparatisme se sont multipliés. Procès intentés non plus seulement par les extrêmes droites, mais aussi par des responsables politiques soi-disant modérés et des intellectuels pour disqualifier les études consacrées aux discriminations systémiques. En république, grâce au principe d’égalité, le racisme ne saurait concerner les institutions : prétendre le contraire témoignerait d’outrances inacceptables car dangereuses pour l’unité nationale.
L’offensive a pris une telle ampleur qu’il fallait y apporter des réponses précises. Cet ouvrage retrace, entre autres, la genèse de deux concepts – ceux de racisme d’État et d’État raciste – dont il définit aussi les strictes conditions d’application. Soutenir, par exemple, que la xénophobie d’État affecte gravement certaines populations ne revient pas à comparer la France d’aujourd’hui à l’Afrique du Sud de l’apartheid. S’il est nécessaire de se garder de comparaisons hâtives, il est plus que jamais indispensable d’analyser les pratiques réelles, passées et présentes, des régimes dits démocratiques. Il en va de l’efficacité du combat contre tous les racismes et la xénophobie.

Pourquoi la classe compte

N’en déplaise à ses contempteurs, la classe est une catégorie indispensable à la compréhension des sociétés humaines.

Longtemps une catégorie d’analyse centrale du monde social, la classe a été marginalisée à partir des années 1980, sur fond de contre-révolution intellectuelle. Elle n’en demeure pas moins incontournable pour comprendre de nombreux phénomènes, des conflits sociaux aux politiques publiques en passant par les trajectoires professionnelles et la vie quotidienne.
Telle est la thèse que démontre Erik Olin Wright dans cet ouvrage, fruit d’une enquête au long cours menée dans une série de sociétés capitalistes. À distance des affirmations grandioses du matérialisme historique orthodoxe sur la « primauté » de la classe, Wright propose une étude méticuleuse et, pour ainsi dire, dépassionnée des différentes structures de classe observables en Occident, des relations qu’y nouent entre la classe et le genre, ainsi que de la manière dont la conscience de classe s’y forme et y produit des effets. Outre qu’elle permet de préciser certains concepts fondamentaux de l’analyse de classe, cette démarche constitue la tentative la plus aboutie à ce jour de bâtir une sociologie marxiste des classes – précisément parce qu’elle ne se limite pas à prêcher les convaincus.

Défaire voir

« Si l’hégémonie nous fige dans son imaginaire, ses signifiants, sa pulsionnalité, l’art, aussi bien que les sciences sociales – quoique très différemment -, peut entreprendre de nous en extirper. Pour peu qu’il s’en donne les moyens : qui passeront par un travail imaginaire et langagier analytiquement informé. Oui, c’est bien l’imagination et la langue qu’il faut travailler, mais dans le sens d’une précision sociale-historique. »

Il paraît que la littérature politique est dans un mauvais cas. On nous dit qu’elle n’a rien de littéraire, ni rien de politique. Rien de politique : elle est affaire de sermon déguisé. Rien de littéraire : toute forme en est la grande absente. Soit elle revendique trop ostentatoirement d’être du côté des opprimés, et elle est édifiante. Soit elle se pique de démontrer mais elle a oublié qu’elle n’était pas une science sociale. Il paraît aussi, heureusement, qu’il y a une troisième voie : éviter toute clarté – les vertus du surcroît et de l’ineffable feront le reste. Éventuellement.
En somme, on ne peut conjoindre forme, pensée et politique. C’est le trilemme de La-littérature-politique. Paralysie complète.
Eh bien non.

L’invention de la tradition

La défense des traditions passe souvent par la mise en avant de leur ancienneté : elles tireraient leur autorité de leur capacité à passer l’épreuve du temps. Pourtant, nombre de traditions présentées comme anciennes, y compris et surtout celles revendiquées comme constitutives d’une « culture nationale », sont en fait des inventions récentes.

À la croisée de l’histoire et de l’anthropologie, cet ouvrage pionnier montre comment les États-nations modernes en gestation – mais aussi les mouvements antisystémiques qui se développèrent en leur sein et les sociétés dites « traditionnelles » – ont délibérément cherché, souvent avec succès, à réinterpréter radicalement ou à inventer, parfois de toutes pièces, des traditions et des « contre-traditions ». Ils visaient ainsi à se légitimer, à s’inscrire dans la longue durée, à assurer la cohésion de la communauté ou encore à garantir le contrôle des métropoles impériales sur les sujets coloniaux. L’étude de ces processus d’invention renouvelle en profondeur la compréhension que nous avons des rites et des symboles qui fondent les constructions identitaires, et des liens entre passé et présent.

Yohann Douet

Yohann Douet est agrégé et docteur en philosophie. Il poursuit des recherches en philosophie politique et sur le marxisme, en particulier sur la pensée de Gramsci, à qui il a consacré un autre ouvrage : L’Histoire et la question de la modernité chez Antonio Gramsci (Classiques Garnier, 2022). Il a récemment écrit Découvrir Machiavel (Éditions sociales, 2023).

L’hégémonie et la révolution

Au-delà des clichés, Gramsci restitué dans sa cohérence, son originalité et sa radicalité.

Toutes les réflexions d’Antonio Gramsci tendent vers le même horizon : l’émancipation des subalternes, leur sortie des marges de l’histoire. Emprisonné par le fascisme, vivant à une époque de crise historique aigüe, il n’abandonne jamais l’objectif d’une société communiste et démocratique. Mais considère que, pour triompher, la révolution doit être repensée. Ainsi, il développe l’idée d’hégémonie, qui lui permet d’analyser le pouvoir dans sa complexité et d’appréhender la lutte des classes au-delà de sa dimension économique ; il redéfinit la société civile et l’État, désormais compris en un sens « intégral » qui combine la domination et le consentement ; il voit le parti révolutionnaire sous les traits d’un « Prince moderne » ; enfin, il s’attache à la dialectique entre « guerre de mouvement » et « guerre de position ».
Même s’il convient de les actualiser, les armes intellectuelles forgées par Gramsci n’ont rien perdu de leur tranchant : elles conservent la capacité d’éclairer et d’orienter les luttes des subalternes. Ce livre, introduction pédagogique et engagée, en fait éloquemment la démonstration.

Ludovic Halbert

Ludovic Halbert est chercheur au CNRS rattaché au laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés de l’Université Gustave Eiffel. Ses recherches portent sur les liens entre les mutations du capitalisme contemporain et la transformation des espaces. Il a publié de nombreux travaux sur l’articulation entre marchés financiers et urbanisation à travers le monde (Brésil, France, Inde, Italie, Mexique).

Antoine Guironnet

Antoine Guironnet est docteur en aménagement et urbanisme de l’Université Paris-Est, et chercheur associé au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po. Il mène des travaux sur la financiarisation du capitalisme urbain. Il a notamment participé à l’ouvrage Le Capital dans la cité (Amsterdam, 2020) et publié Au marché des métropoles (Les Étaques, 2022).

L’empire urbain de la finance

Quand les villes sont transformées en actifs financiers.

Ces dernières décennies, un bouleversement majeur s’est accompli à bas bruit : un nouvel avatar du capitalisme financiarisé est né, le secteur de la gestion d’actifs. Bureaux, centres commerciaux, résidences étudiantes et seniors, entrepôts logistiques… Une part croissante de ces lieux du quotidien se trouve désormais entre les mains de propriétaires méconnus qui voient dans l’immobilier un moyen de faire fructifier l’épargne provenant des marchés financiers du monde entier.
Ce livre, le premier en son genre, nous entraîne dans les coulisses de la gestion d’actifs immobiliers en France. Il montre comment fonds d’investissement et sociétés foncières cherchent à imposer leurs logiques et critères financiers à l’État, aux élus locaux, aux aménageurs et aux promoteurs immobiliers, et révèle comment ces mastodontes sont parvenus à édifier un véritable empire dans les métropoles. Surtout, il éclaire les effets de cette transformation : à mesure que les gérants d’actifs captent la rente foncière, ce sont les inégalités sociales et spatiales qui se creusent. Autant d’enseignements pour interroger la place de la finance dans le débat sur la transition écologique des villes.