La défense des traditions passe souvent par la mise en avant de leur ancienneté : elles tireraient leur autorité de leur capacité à passer l’épreuve du temps. Pourtant, nombre de traditions présentées comme anciennes, y compris et surtout celles revendiquées comme constitutives d’une « culture nationale », sont en fait des inventions récentes.
À la croisée de l’histoire et de l’anthropologie, cet ouvrage pionnier montre comment les États-nations modernes en gestation – mais aussi les mouvements antisystémiques qui se développèrent en leur sein et les sociétés dites « traditionnelles » – ont délibérément cherché, souvent avec succès, à réinterpréter radicalement ou à inventer, parfois de toutes pièces, des traditions et des « contre-traditions ». Ils visaient ainsi à se légitimer, à s’inscrire dans la longue durée, à assurer la cohésion de la communauté ou encore à garantir le contrôle des métropoles impériales sur les sujets coloniaux. L’étude de ces processus d’invention renouvelle en profondeur la compréhension que nous avons des rites et des symboles qui fondent les constructions identitaires, et des liens entre passé et présent.