Jason W. Moore,

L’écologie-monde du capitalisme

Comprendre et combattre la crise environnementale

Pourquoi il faut renoncer à la notion d’Anthropocène, qui renforce ce qu’elle prétend combattre.

Dans le discours scientifique et politique, la révolution industrielle s’est imposée comme le principal marqueur de l’entrée dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène. Avec l’invention de la machine à vapeur et l’essor des énergies carbonées, l’Humanité serait devenue une force transformatrice de la Nature. Or que signifie au juste « Humanité » ? Et ce récit est-il aussi neutre qu’il le prétend ? Ces interrogations sont au cœur de la réflexion de l’historien Jason Moore. Bien que la réalité de la pollution, du changement climatique, de l’épuisement des ressources soit incontestable, la manière de raconter et les personnages que l’on choisit déterminent la compréhension des faits, donc les solutions que l’on proposera.
Le récit de l’Anthropocène définit déjà une orientation politique. Il présuppose une séparation problématique entre Homme et Nature, socle idéologique de la destruction généralisée que l’on nomme aujourd’hui « crise écologique », qui a justifié la conquête planétaire menée par les pays occidentaux et l’émergence du capitalisme. Dans ce cadre de pensée, tout ce qui relève de la Nature est dévalorisé, donc exploitable à l’envi. Ainsi, la notion d’Anthropocène s’appuie sur cela même qu’il faudrait mettre en cause. Parler de Capitalocène, à l’inverse, c’est souligner l’intégration de l’ensemble de l’humanité dans le « tissu de la vie », proposer une périodisation historique plus longue, identifier les causes profondes de la crise planétaire et se donner les moyens d’en sortir.

Traduction : Nicolas Vieillescazes,
Couverture © Sylvain Lamy
Préface : Paul Guillibert,