Nicos Poulantzas (1936-1979) est l’un des principaux théoriciens de l’État du XXe siècle. On lui doit notamment Pouvoir politique et classes sociales (Maspero, 1968) et Les Classes sociales dans le capitalisme d’aujourd’hui (Seuil, 1974).
Auteur : Editions Amsterdam
Ernst Bloch
Ernst Bloch (1885-1977) est l’un des grands philosophes allemands du XXe siècle. Il est l’auteur d’une œuvre abondante essentiellement axée autour de l’utopie et du messianisme. Parmi ses ouvrages importants, on peut citer L’Esprit de l’utopie (1918) et Le Principe espérance (1954-1959).
Le gouvernement du ciel
L’aviation incarne, dès son invention, le rêve cosmopolitique d’une paix perpétuelle entre les nations de la terre, dont le revers n’est autre que le cauchemar d’une puissance meurtrière sans précédent. Puissance qui s’exerce d’abord à l’encontre de populations jugées un peu trop remuantes par les colonisateurs, dans le cadre d’opération de maintien de l’ordre, avant de s’abattre sur les villes européennes et japonaises, durant le second conflit mondial.
Mais surtout, la guerre aérienne brouille définitivement les frontières entre guerre et paix. Ce brouillage constitue un symptôme de la « démocratisation » de la guerre. Car c’est désormais le peuple que l’on prend directement pour cible, le peuple soutien de l’effort de guerre, et le peuple souverain, identifié à l’État. Ainsi s’enclenche un mouvement politique qui nous conduit aujourd’hui à une gouvernance mondiale sous hégémonie états-unienne, définie par une « guerre perpétuelle de basse intensité », qui frappe pour l’instant des régions comme le Yémen ou le Pakistan mais pourrait s’étendre demain à l’ensemble de la population mondiale.
La guerre aérienne croise ainsi les grands thèmes du siècle passé : la nationalisation des sociétés et de la guerre, la démocratie et les totalitarismes, le colonialisme et la décolonisation, le tiers-mondisme et la globalisation, l’État social et son déclin face au néolibéralisme. L’histoire des bombardements aériens constitue un point de vue privilégié pour écrire une histoire globale du XXe siècle.
Thomas Hippler
Thomas Hippler, philosophe et historien, est maître de conférences à Sciences-Po Lyon. Il est notamment l’auteur de Soldats et citoyens. Naissance du service militaire en France et en Prusse (PUF, 2006) et de Bombing the People: Giulio Douhet and the Foundations of Air-Power Strategy, 1884-1939 (Cambridge University Press, 2013).
École : Mission accomplie
Si l’on met de côté les éternels laudateurs de l’école républicaine – ministres en représentation, sociologues de cour et pédagogues satisfaits –, dont la position commande les propos, on constate qu’aujourd’hui le discours dominant sur l’institution scolaire est empreint d’un formidable pessimisme : l’école est « en crise », tragiquement victime de ses « dysfonctionnements internes ».
Dans École : mission accomplie, Pierre Bergounioux nous invite à reconsidérer posément les termes de l’analyse. Et si, au contraire, l’école n’avait jamais aussi bien fonctionné, manifestant une redoutable efficacité à perpétuer les rapports de domination ?
En revenant en profondeur sur sa longue expérience de professeur de français, au carrefour de la langue et de la littérature, Pierre Bergounioux analyse la manière dont s’est façonné un nouvel imaginaire de l’école : celui de l’« égalité des chances ». Ceux qui échouent sont désormais convaincus de leur indignité, incapables de penser que, peut-être, cet échec pourrait avoir des causes extérieures à eux-mêmes ; les autres, à qui tout réussit, se voient dotés d’une légitimité symbolique nouvelle.
C’est à la fiction d’une société pacifiée, où l’école ne ferait qu’entériner des capacités inégalement réparties, qu’il nous est ainsi demandé de croire.
Entretiens avec Frédéric Ciriez et Rémy Toulouse
Pierre Bergounioux
Pierre Bergounioux est écrivain. Il enseigne, depuis plus de trente ans, le français dans un collège de la grande banlieue parisienne.
Les origines de la postmodernité
Anderson retrace l’histoire de la notion de postmodernité, depuis l’avant-garde littéraire de l’Amérique hispanique des années 1920 jusqu’aux courants post-marxistes européens, avec Lyotard à Montréal en 1979, puis Habermas à Francfort en 1980. En 1982 à New York, Fredric Jameson lui fait subir une mutation fondamentale, en l’utilisant pour montrer la cohérence de notre époque globalisée, dont la caractéristique majeure tient à la subordination tendancielle de la culture à la logique du capital. La sphère esthétique, massivement colonisée, est aujourd’hui incapable de trouver l’espace dans lequel continuer d’exprimer une transgression ou de tendre vers une alternative. Le postmodernisme confine au système parfait, un système en mesure d’intégrer à sa logique ses propres dysfonctionnements.
La totalité comme complot
Poursuivant son enquête critique sur la culture postmoderne, Fredric Jameson s’attache à montrer que le motif du complot est, dans l’imaginaire contemporain, un point de cristallisation des tensions qui agitent nos sociétés. À l’heure de la colonisation définitive de la vie sociale par la marchandise, l’impossibilité où nous nous trouvons de nous représenter le « capitalisme-monde » trouve son expression dans la forme paranoïde du complot. Les films de complot fonctionnent comme un analogon de notre cauchemar quotidien : ce système où l’on n’arrive jamais à en finir de rien, comme disait Deleuze à propos des sociétés de contrôle. Riche analyse filmique et contribution originale à la théorie politique, cet essai porte la « méthode » Jameson à son point d’intensité maximal.
Raymond Chandler
Raymond Chandler, éblouissant styliste et peintre de la vie américaine, occupe une place unique dans l’histoire littéraire, à cheval sur les pulps et le modernisme. Avec Le Grand Sommeil, publié en 1939, il laisse une empreinte indélébile sur le genre policier. Fredric Jameson propose ici une interprétation de son œuvre romanesque en reconstruisant la situation dans laquelle elle s’inscrit et le monde ou la totalité sociale qu’elle projette.
Le Néolibéralisme
Cet ouvrage tente de formuler une théorie de la société et de l’histoire modernes visant à identifier la nature du néolibéralisme et son impact sur les conditions d’existence, les pratiques et les perspectives des êtres humains d’aujourd’hui. Les grands débats de société, depuis plusieurs siècles, ont eu pour pivot la relation entre marché et organisation. Marx aborde le capitalisme en termes de structure, comme l’instrumentalisation du marché, de la rationalité marchande, par la marchandisation de la force de travail. Mais c’est en termes de tendance historique de cette structure concurrentielle, qu’il en vient à l’organisation, traitée à partir du développement de la grande entreprise. Il la décrypte comme une autre sorte de rationalité, aujourd’hui entre les mains des capitalistes, mais qui finira par leur échapper et fournira, après l’abolition de la propriété privée et du marché, le tissu même du socialisme. La théorie de Marx comporte deux insuffisances. D’abord, l’analyse du pouvoir. La lutte de classe est une lutte entre trois pôles, et non pas deux : la classe populaire, la classe dirigeante, et la classe capitaliste. La théorie proposée ici fait tenir tout ensemble des concepts venus notamment de Marx, Gramsci, Foucault et des recherches sur la globalisation. Elle nous permet de situer le néolibéralisme dans un ensemble de régimes d’hégémonie, d’analyser finement son fonctionnement et de voir qu’il ne constitue pas l’horizon de la postmodernité, mais le point de départ d’une modernité « ultime ».
Jacques Bidet
Jacques Bidet est philosophe, professeur émérite à l’université de Nanterre. Il a récemment publié Foucault avec Marx (La Fabrique, 2014).
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Ici nul roi ne convoque des États généraux. Nous sommes, dit-on, le peuple souverain, celui d’une démocratie, mais nous sommes un étrange souverain à qui l’on propose de choisir des candidats aux élections en le privant régulièrement de débats qui devraient donner un sens à la représentation.
Alors pourquoi ne pas réécrire les doléances, des cahiers de doléances contemporains ?
Ouvrage coédité avec Excès
Luce Faber
Luce Faber est un collectif qui porte l’espérance de tout ce qui s’éclaire par la raison, ici et à l’horizon. Raison sensible et partagée, elle tente d’en faire bon usage, elle fabrique, elle invente, elle recueille les voix publiques qui ont formulé ces doléances. Avec Luce Faber, la lumière est une tribu.
Sophie Wahnich
Sophie Wahnich est directrice de recherches au CNRS-EHESS. Elle est notamment l’auteur de L’impossible citoyen : l’étranger dans le discours de la Révolution française (1997, nouvelle éd. Albin Michel, 2010), de La liberté ou la mort (La Fabrique, 2003), et de La longue patience du peuple. 1792, naissance de la République (Payot, 2008).
Histoire d’un trésor perdu
La Révolution française a été taraudée par une question : comment transmettre l’événement inouï aux générations qui ne l’auront pas vécu ? Les révolutionnaires ont alors cherché à inventer des institutions civiles qui permettraient d’entretenir le souvenir, mais surtout une tenue, une manière révolutionnaires d’être au monde. Cette question, ces institutions, les lieux et les pratiques qu’elles ont fait surgir, sont autant de laboratoires sociaux sensibles pour comprendre comment l’événement depuis 1789 a été régulièrement réinvesti mais aussi dénié, renié, travesti, désinvesti, au point de devenir une sorte de « trésor perdu » pour des héritiers sans testament. La Restauration, les années 1830-1848, le Second Empire, la Commune de Paris, la Troisième République, le début du XXe siècle socialiste, les années sombres, ont métabolisé cette séquence brève dans de grandes discontinuités. Et les affrontements mortifères ont perduré de la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui. Loin d’une signalétique ambiguë faite de bonnets phrygiens, de bastilles à prendre et autres constituantes, ce livre invite à ne rien imiter mais aussi à ne rien négliger d’une histoire qui n’a pas été seulement libérale, d’une transmission qui n’a pas été seulement historiographique. Il invite, plus simplement, à retrouver la Révolution comme référence émancipatrice.
Les contributeurs :
Jolène Bureau prépare une thèse à l’université du Québec à Montréal (Canada), intitulée « Souvenirs de l’an II – 1793-1794 : du marché de la mémoire à l’historiographie de la Révolution française, 1815-1850 ». Ses recherches portent sur la « légende noire » de Robespierre, la mise en récit de Thermidor et les représentations de la Révolution et de l’idée de révolution dans l’historiographie, la littérature et au cinéma.
Marc Deleplace est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris-Sorbonne, Centre d’histoire du XIXe siècle. Il est l’auteur de L’anarchie de Mably à Proudhon (1750-1850) : histoire d’une appropriation politique, Lyon, ENS Éditions, 2001.
Jean-Numa Ducange est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen. Il a publié La Révolution française et la social-démocratie : transmissions et usages politiques de l’histoire en Allemagne et Autriche 1889-1934 (PUR, 2012), et Socialisme et Révolution française (choix de texte de Kautsky et Jaurès, Demopolis, 2010).
Emmanuel Fureix est maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, Centre de recherches en histoire européenne comparée (CRHEC), membre de l’Institut universitaire de France. Il est l’auteur de La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique, 1814-1840 (Champ Vallon, 2009, prix Chateaubriand).
Anna Karla était membre du groupe de recherche « La France entre Révolution et Restauration » à l’Institut historique allemand. Elle prépare une thèse en co-tutelle sur les Mémoires de la Révolution à l’EHESS et à l’université Humboldt de Berlin.
Olivier Le Trocquer est professeur agrégé d’histoire au lycée Rabelais à Paris, il a écrit de nombreux articles sur la mémoire et l’interprétation du 4 septembre 1870. Il travaille sur la construction de l’événement et les mémoires des années 1850-1880.
Guillaume Mazeau est maître de conférences en histoire moderne à l’université Paris-1 Panthéon Sorbonne, Institut d’Histoire de la Révolution française. Il est l’auteur du Bain de l’histoire (Champ Vallon, 2009).
Nathalie Richard est professeur d’histoire contemporaine à l’université du Maine (Le Mans, France), chercheuse au Centre de recherches historiques de l’Ouest et chercheuse associée au Centre Alexandre Koyré. Ses travaux portent sur l’histoire des sciences humaines et sociales au XIXe siècle. Elle a notamment publié Alfred Maury, érudit et rêveur. Les sciences de l’homme en France au milieu du XIXe siècle (avec Jacqueline Carroy, Presses universitaires de Rennes, 2007) et Hippolyte Taine. Histoire, psychologie, littérature (Garnier, sous presse).
Matthieu Giroud
Matthieu Giroud était géographe, maître de conférence à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Il est l’auteur de nombreux articles, et a coordonné plusieurs ouvrages, notamment D’une métropole à l’autre. Pratiques urbaines et circulations dans l’espace européen (avec C. Imbert, H. Dubucs, F. Dureau, Paris, Armand Colin, 2014).