La Grande Transformation du sommeil

Contrairement à l’opinion courante, le sommeil d’un bloc d’environ huit heures n’a rien de naturel. Cette manière de dormir ne s’est répandue que très récemment, dans le sillage de la révolution industrielle, à la faveur de la généralisation de l’éclairage artificiel dans les villes et de l’imposition d’une nouvelle discipline du travail. Auparavant, le sommeil était habituellement scindé en deux moments, séparés par une période de veille consacrée à diverses activités comme la méditation, les rapports intimes ou encore le soin des bestiaux.

Telle est la thèse révolutionnaire de Roger Ekirch. Son enquête passionnante sur le bouleversement de nos nuits qu’a constitué la disparition, puis l’oubli du sommeil biphasique a doté cet objet d’une historicité qui lui était jusque-là déniée et conduit à l’émergence d’un nouveau champ de recherche, les Sleep Studies. Surtout, cette découverte invite à questionner l’identification de l’insomnie de milieu de nuit à un « trouble du sommeil ». Et à envisager les conséquences d’une transformation qui nous a barré un accès privilégié aux rêves et, par-là, à la conscience de soi.

Les Lumières radicales

Salué comme un classique dès sa parution, cet ouvrage marque un tournant dans l’étude des Lumières et de la modernité. Jonathan Israel y défend l’idée selon laquelle la période qui va de l’âge d’or du rationalisme au siècle des Lumières doit être considérée comme un ensemble. Détournant notre regard de la France et de l’Angleterre – pays qui se disputent habituellement le rôle de centre géographique et historique de cette séquence – et des grandes figures qui, tels Descartes, Hobbes ou encore Voltaire, peuplent les manuels d’histoire et de philosophie, il nous donne à voir un mouvement transeuropéen marqué par l’onde de choc-Spinoza : pendant un siècle et demi, l’Europe a été travaillée en profondeur par le spectre du « spinozisme ». Cette constellation de penseurs radicaux a, par les débats et les polémiques qu’elle a nourris, accompli un véritable travail de sape des autorités établies et redéfini la modernité qui est encore la nôtre. 

C’est cette histoire alternative des origines de l’Europe contemporaine, foisonnante, vivante et incarnée, que Jonathan Israel nous invite à parcourir au fil des pages qui constituent ce monument de l’histoire intellectuelle.

Le Souverain et le Marché

De la Première Guerre mondiale à la montée des tensions entre la Chine et les États-Unis, en passant par la guerre d’Irak, la manière dont les conflits entre États, qu’ils soient armés ou non, s’articulent aux développements successifs du système capitaliste a constitué un problème crucial pour la pensée révolutionnaire. L’enjeu de toute théorie de l’impérialisme est d’y répondre. Ce livre propose une plongée dans les controverses au fil desquelles cette notion a été forgée et son sens disputé, en vue d’éclairer certains des grands débats stratégiques qui animent le camp de l’émancipation.

Les États modernes sont-ils voués à demeurer sous la domination de l’un d’entre eux ? Ou bien assiste-t-on à l’émergence d’une coalition supranationale qui organise le capitalisme au niveau mondial ? Et comment la permanence de souverainetés territoriales interfère-t-elle avec la dynamique du capital ? Autant de questions dont Benjamin Bürbaumer retrace la généalogie, livrant par là une contribution décisive à la théorie marxiste des relations internationales.

Provincialiser l’Europe

L’Europe n’est plus le centre du monde. Pourtant, les catégories de pensée et les concepts politiques occidentaux continuent de régir les discours produits sur les mondes non occidentaux, perpétuant l’idée selon laquelle l’histoire de l’ensemble des sociétés humaines devrait être lue au prisme de l’évolution de ce continent. Or le capitalisme n’a pas réussi à unifier l’humanité. S’il s’est mondialisé, il ne s’est pas universalisé. D’où la nécessité de provincialiser l’Europe, autrement dit de reconnaître que l’appareil scientifique occidental ne suffit pas à comprendre nombre d’éléments des sociétés et des cultures des pays du Sud.
Dipesh Chakrabarty montre dans ce classique de la pensée postcoloniale que le temps historique est pluriel, que les sociétés participent de temporalités hétérogènes constitutives d’une multiplicité irréductible de manières d’être au monde. Ce faisant, il invite à penser la diversité des formes que peut prendre la modernité politique ainsi que des futurs qui se construisent aujourd’hui.

Le Capital dans la cité

Parce qu’il s’est immiscé dans les moindres recoins des sociétés contemporaines, le capitalisme a bouleversé le visage des villes telles que nous les connaissons. Sous son influence, les politiques urbaines sont devenues le véhicule de logiques managériales et financières qui ont conduit à l’explosion des inégalités sociales et spatiales. Reconfigurées selon des critères d’attractivité, les villes sont transformées en objets marketing à valoriser, tandis que leurs populations précarisées semblent vouées à évoluer dans un espace public toujours plus restreint et aseptisé, au fil de ses privatisations successives.

Contre une telle tendance, la présente encyclopédie propose des outils essentiels pour comprendre, penser et agir sur les transformations urbaines en cours. Les entrées qui la composent, fruits d’enquêtes menées aux quatre coins du globe, analysent les principaux enjeux auxquels sont confrontées des populations marginalisées à la fois d’un point de vue matériel et dans les processus de décisions qui affectent leur vie quotidienne. Elles dessinent une cartographie inédite de la ville du xxie siècle, et forment une contribution essentielle à la réappropriation collective de la production de l’espace.

Les subalternes peuvent-elles parler ?

Parce qu’elles ont contribué à dénoncer la domination de la pensée occidentale, les subaltern studies demeurent depuis les années 1980 une source intarissable de controverses.

À cet égard, la réponse négative apportée au titre de cet ouvrage – Les Subalternes peuvent-elles parler ? – est riche d’enseignements . Prenant à contrepied l’eurocentrisme du récit occidental, Spivak nous montre qu’il est impossible d’analyser l’histoire de l’oppression des femmes sans prendre en compte les logiques impérialistes qui l’ont façonnée.

Ce classique de la philosophie contemporaine s’attache à mettre en lumière le récit des dominés. Spivak expose la difficulté que rencontrent les subalternes à être considérées comme sujets de leurs propres actes. Ce petit livre, jalon de la réappropriation du passé colonial par les intellectuels du Sud, constitue une contribution majeure au renouvellement des sciences humaines.

La part commune

L’accaparement privatif des richesses porté par le libéralisme économique a creusé les inégalités et contribué à la crise environnementale. Cet ouvrage reprend le problème à la racine pour proposer une déconstruction de l’absolutisme propriétaire. Pierre Crétois retrace et critique toute la tradition qui, depuis la Renaissance, a fait de la propriété privée l’élément fondateur de nos sociétés en l’érigeant comme le droit naturel le plus crucial. Cette vision est si hégémonique qu’elle semble relever de l’évidence. Mais elle méconnaît le fait qu’il n’a jamais existé de propriété absolument privée. Les choses, loin d’être appropriables en tant que telles, sont des lieux où se rencontrent des existences et des activités individuelles et collectives. Le propriétaire en son domaine n’est qu’un membre de la communauté et de l’écosystème dont il dépend.
Dans un geste démystificateur, Pierre Crétois montre qu’il y a toujours une part commune dans ce qui est propre à chacun. Au cœur de la politique se niche la propriété : mieux, sa transformation est la condition de l’émancipation humaine.

L’hypothèse autonome

Multiplication des zones à défendre, résurgence du black bloc, insurrection des gilets jaunes : la France contemporaine est le théâtre d’importants conflits sociaux et politiques. On aurait tort cependant d’y voir la main de cette ultra-gauche qui hante l’imaginaire policier. Ce qui se joue dans la multiplication des occupations, dans l’exigence d’horizontalité et le rapport pragmatique à la violence, c’est l’actualisation de l’hypothèse autonome formulée dans la seconde moitié du xxe siècle. L’autonomie n’est en effet ni un mouvement, ni une idéologie. Née, dans l’après-guerre, en opposition au renoncement des organisations politiques et syndicales à prendre effectivement le parti des dominé.e.s, elle représente la tentative sans cesse réinventée de concilier libération individuelle et émancipation collective, à l’heure où le système capitaliste et sa discipline se sont disséminés dans toutes les facettes de la vie.

Des « années de plomb » italiennes au mouvement des squats, en passant par les luttes antinucléaire, homosexuelle et féministe, Julien Allavena retrace la généalogie de cette hypothèse stratégique, au ras des expériences qu’elle a nourries. Il met ainsi au jour ses apories originelles et fraye les voies de leur dépassement.

Le 15 mars 1928

Le 15 mars 1928 évoque une journée de répression. Ce jour-là, 1 600 militants communistes et socialistes, accusés de vouloir renverser le cabinet conservateur de Giichi Tanaka, sont arrêtés par la police japonaise et jetés en prison. La petite ville d’Otaru est le théâtre d’une des rafles les plus importantes du pays. C’est là que vit Takiji Kobayashi, employé de banque et militant ouvrier. Alors que les journalistes se taisent, il décide de raconter ce qu’il a vu et ce qu’il sait, en écrivant ce premier roman en forme d’enquête. Saisi et censuré dès sa parution, le livre documente la barbarie des violences policières et la vie ordinaire de ceux qu’elle mutile. Traduit pour la première fois en langue française, il peint un portrait collectif de la classe ouvrière, sobrement, en quelques fragments intimes, dans le huis clos d’une prison.

Cinq ans après la rédaction du 15 mars 1928, l’auteur du Bateau-usine et du Propriétaire absent, âgé de 29 ans seulement, meurt sous les coups de la police.

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