Wendy Brown,

Murs

Les murs de la séparation et le déclin de la souveraineté étatique

En ce début du XXIe siècle, des murs sont construits frénétiquement aux quatre coins du monde. Alors que le siècle précédent avait prétendu se clore sur la promesse d’une ère d’échanges et de prospérité, des tensions nouvelles sont apparues, entre la fermeture et l’ouverture, l’universalisation et la stratification. Et ce monde qui se pensait en termes de flux n’a cessé de mettre en place des filtres et des dispositifs, largement dématérialisés, de surveillance et de contrôle. Dans ce contexte, que peuvent bien signifier ces murs terriblement concrets, d’acier et de béton, grillagés ou couverts de barbelés, sortes de survivances d’un autre âge ? S’ils se révèlent largement inefficaces sur le plan fonctionnel, leur pouvoir discursif, symbolique et théâtral est incontestable. Là où l’interprétation dominante en déduit que ces murs sont les symptômes d’États-nations renforcés, Wendy Brown y décèle au contraire un déclin avancé de la souveraineté étatique. Celle-ci s’efface au profit d’entités désormais plus puissantes : le capital et la religion.