Yves Citton,

Mythocratie

Storytelling et imaginaire de gauche

Comment comprendre le « pouvoir doux » (soft power) que mobilisent nos sociétés mass-médiatiques pour conduire nos conduites, pour nous gouverner ? Comment en infléchir les opérations pour en faire des instruments d’émancipation ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions en croisant trois approches. Il synthétise d’abord le nouvel imaginaire du pouvoir qui fait de la circulation des flux de désirs et de croyances la substance propre du pouvoir. Il se demande ensuite ce que peut un récit, et en quoi les ressources du storytelling, qui ont été récemment accaparées par des idéologies réactionnaires, peuvent être réappropriées pour des politiques émancipatrices. Au carrefour des pratiques de narration et des dispositifs de pouvoir, il essaie surtout de définir un type d’activité très particulier : la scénarisation. Mettre en scène une histoire, articuler certaines représentations d’actions selon certains types d’enchaînements, c’est s’efforcer de conduire la conduite de celui qui nous écoute – c’est tenter de scénariser son comportement à venir. C’est ce pouvoir de scénarisation, tel qu’il s’exerce au Journal de 20 heures ou dans la publicité, mais aussi dans nos conversations quotidiennes, qui décide du résultat des élections, des emballements boursiers, des montées du racisme, des contagions d’indignation ou de l’invention collective d’autres mondes possibles. Cet essai tente d’en baliser les contours généraux et d’en suggérer des usages émancipateurs.

Prolonger :

Lire ici une interview d'Yves Citton par Antoine Perraud pour Mediapart, et une recension de Christian Colbeaux.