Stanley Fish,

Quand lire c’est faire

L'autorité des communautés interprétatives

L’argument défendu par Stanley Fish dans cet ouvrage est aussi simple qu’inacceptable : ce sont les lecteurs qui font les livres. Contre-intuitive à souhait, la thèse est faite pour choquer le bon sens commun (auquel Fish paraît se délecter de donner du bâton).
Depuis la parution en 1980 de ce classique intitulé Is there a Text in this Class? The Authority of Interpretive Communities (dont le coeur constitue le présent ouvrage), qui présente et discute cette thèse, l’argumentaire développé par Stanley Fish est devenu « Ce Qu’il Faut Démonter » pour quiconque entend faire prendre les études littéraires au sérieux. Vingt-cinq ans après leur parution dans leur langue originale, les essais consacrés à la dimension projective de l’interprétation non seulement gardent toute leur pertinence, mais s’avèrent tirer un sens et une urgence renouvelés à la lumière des évolutions récentes des débats publics et des mentalités.
Cette théorie du lecteur-faiseur de texte peut être mise en relation avec d’autres formes contemporaines de « libération », d’encapacitation (empowerment) et de revendication d’« autonomie ». Pas besoin d’attendre du Maître qu’il nous donne la clé de la bonne interprétation du texte (qu’il serait seul à détenir) : chacun peut faire d’une liste de commissions un poème religieux ! Il n’y a plus lieu de souscrire à la division aliénante du travail – d’ailleurs contemporaine de l’émergence du capitalisme industriel – entre un auteur créatif (mais généralement mort) et un lecteur bien vivant mais condamné à suivre servilement les notes d’une partition déjà écrite ! Sous les pavés disciplinaires de l’histoire littéraire, la plage de toutes les libertés interprétatives !