Florence Arié est professeure agrégée d’anglais, elle enseigne dans les classes de lycée.
Auteur : Editions Amsterdam
Filmer la légende
Aux États-Unis, le roman national s’écrit sur grand écran. De la conquête de l’Ouest à la crise des subprimes, de la Prohibition aux suites du 11 Septembre en passant par l’arrivée des migrants européens à Ellis Island ou la création de la CIA, le cinéma américain s’est révélé une formidable machine à fabriquer du mythe, brouillant constamment la frontière entre fiction cinématographique et réalité historique. C’est ce qui fait d’Autant en emporte le vent et de Bonnie & Clyde, de Scarface et de Rambo ou du Soldat Ryan autant d’accès privilégiés aux fantasmes qui n’ont cessé de travailler la société étasunienne et continuent encore de la façonner.
À égale distance des récits triomphalistes et des clichés conspirationnistes, Filmer la légende brosse un tableau tout en nuances de l’histoire des États-Unis telle que le cinéma de ce pays n’a cessé de la raconter depuis plus d’un siècle, nourri par l’analyse de plus d’une centaine de films. Par là même, Florence Arié et Alain Korkos renouvellent en profondeur notre vision du cinéma hollywoodien.
Groupe d’études géopolitiques
Fondé à l’École normale supérieure, le Groupe d’études géopolitiques est le premier groupe de réflexion interdisciplinaire sur la géopolitique de l’Europe. Il édite la revue Le Grand Continent.
Le Style populiste
La notion de « populisme » occupe une place prépondérante dans le débat public contemporain ; or rien ne semble plus compliqué que de déterminer ce qu’elle recouvre. Les développements historiques récents, de part et d’autre de l’Atlantique, ont donné lieu à une multiplication des discours visant à doter d’attributs fondamentaux et de causes linéaires un phénomène politique profondément hétérogène, démarche qui, bien souvent, réduit ce dernier à une série de figures politiques (« les » populistes). Mais cela revient à occulter les éléments discursifs que ces dernières partagent en réalité avec nombre d’acteurs qui affirment s’y opposer, ainsi que les ressorts profonds de ce caractère transversal.
Pour sortir d’une telle impasse, le présent ouvrage met l’accent sur le concept de style : sur la ressemblance, le flux et le devenir, plutôt que sur l’essence, la stabilité et l’attribut. Ainsi envisagé, le populisme apparaît avant tout comme une méthode, née d’une instabilité profonde de la reproduction des élites et des systèmes politiques, qui permet de prendre le pouvoir et de l’exercer dans une conjoncture où le moment de sa conquête et celui de sa perte semblent toujours plus rapprochés.
Les Limites du capital
Fruit d’une décennie de recherches, Les Limites du capital propose une théorie générale du capitalisme dans le prolongement des travaux économiques de Marx. Le géographe David Harvey nous guide à travers la production, la distribution, la consommation, explique la marchandise, la monnaie, la valeur, souligne le rôle du crédit et de la finance, les conflits entre le capital et le travail, entre le capital et l’État, entre les capitalistes eux-mêmes.
Au fil de cette analyse minutieuse du fonctionnement du système capitaliste se dégage une compréhension inédite des crises qui le traversent sans cesse. Non seulement celles-ci sont inévitables, mais elles ne peuvent être surmontées qu’en trouvant des « solutions spatiales », en réorientant les flux de capital et de force de travail vers de nouveaux secteurs et de nouveaux lieux. Au passage, elles détruisent des vies et des territoires, parfois dans des guerres sanglantes. Harvey dissipe le brouillard de mystifications qui enveloppe l’économie pour livrer un enseignement implacable : les espaces où nous évoluons sont façonnés par la logique capitaliste de la valeur. Ce travail internationalement reconnu constitue un outil indispensable pour saisir la complexité vertigineuse de notre monde.
Collectif Rosa Bonheur
Le Collectif Rosa Bonheur s’est consacré depuis 2011 à l’analyse sociologique de l’organisation de la vie quotidienne dans les espaces désindustrialisés, à partir d’une grille de lecture matérialiste. Il est composé de Anne Bory, José-Angel Calderón, Yoan Miot, Blandine Mortain, Juliette Verdière et Cécile Vignal.
La Ville vue d’en bas
La désindustrialisation à l’œuvre depuis les années 1970 a confiné des pans entiers des classes populaires aux marges du salariat. Tenues à l’écart des principaux circuits marchands, ces populations ont dû réorganiser leur travail et leur vie quotidienne de manière à satisfaire les besoins essentiels à leur subsistance, selon une dynamique qui confère une centralité nouvelle à l’espace urbain : pour elles, l’accès à la plupart des ressources matérielles et symboliques nécessaires au maintien d’une existence digne est intimement lié à leur ancrage territorial.
Or, les pratiques attachées à cette centralité populaire sont aujourd’hui contestées. Prises dans la course à la métropolisation, certaines villes voudraient en définitive remplacer ces populations, dont elles considèrent qu’elles « ne font rien », par d’autres issues des classes moyennes et supérieures, n’hésitant pas à agiter le spectre du communautarisme et celui du ghetto. Il s’agit, au contraire, de saisir ce qu’impliquent les processus contemporains de fragmentation de l’espace social pour des personnes qui ne sont ni plus ni moins que des travailleuses et des travailleurs.
Aurore Koechlin
Aurore Koechlin est docteure en sociologie. Elle est l’autrice de La Révolution féministe (Amsterdam, 2019).
La Révolution féministe
La quatrième vague du féminisme a commencé : venue d’Amérique latine, portée par les combats contre les féminicides et pour la liberté des femmes à disposer de leur corps, amplifiée par le moment #MeToo, elle constitue aussi – surtout – un mouvement qui s’attaque à l’inégalité des rapports de production et de reproduction sous le capitalisme. Qui dépasse, sans les exclure, les revendications juridiques ou paritaires et repense l’ensemble de l’organisation sociale à partir des oppressions subies par les femmes et les minorités de genre.
Le féminisme est révolutionnaire ou il n’est pas : voilà la thèse soutenue par Aurore Koechlin, qui se propose d’abord de guider ses lectrices et lecteurs à travers l’histoire trop méconnue des différentes vagues féministes. Du MLF à l’intersectionnalité, de l’émergence d’un « féminisme d’État » au féminisme de la reproduction sociale, ce petit livre tire le bilan politique et intellectuel d’une quarantaine d’années de combats, repère leurs impasses, souligne leurs forces, pour contribuer aux luttes actuelles et à venir.
Identités et cultures 2
Ce second volume d’anthologie des textes de Stuart Hall – pionnier des cultural studies et figure majeure de la pensée critique – porte sur les conditions d’émergence de la différence et en interroge les usages politiques. Il rend compte des processus de formation et transformation des identités, démontant les mécanismes de racialisation et exposant les ressorts de la politique identitaire. Foncièrement constructivistes, intersectionnels avant la lettre, ces écrits donnent à penser le caractère contextuel et instable de toute identité et les modalités d’articulation des rapports sociaux. S’ils soulignent avec force ce qui dans l’expérience subjective déjoue les assignations, ils interrogent aussi la persistance du racisme et sa dimension structurelle. L’originalité des textes de Hall sur le racisme réside dans une approche profondément matérialiste, mais qui prend en considération la dimension discursive de la production des « différences ». Aussi étudie-t-il le rôle joué par la représentation médiatique dans la constitution de l’idéologie raciste, autant que l’importance des résistances à l’ordre visuel dominant qui régule l’apparition des groupes minorisés.
La nouvelle édition de ce recueil propose deux textes supplémentaires, ainsi qu’une préface inédite dans laquelle Maxime Cervulle propose une analyse critique des différentes conceptualisations du racisme qui ont parcouru l’œuvre de Stuart Hall et le champ des cultural studies.
Conversations avec Bourdieu
Comment se perpétue la domination ? Comment les dominés peuvent-ils s’y soustraire ? Et comment les intellectuels peuvent-ils y contribuer ? Si les réponses apportées par Bourdieu ont fait de lui un classique des sciences sociales, les débats que suscitent ses travaux en France sont souvent pris dans une fausse alternative entre une option polémique qui rejette en bloc son analyse de la reproduction sociale et une lecture académique à tendance hagiographique, sinon strictement instrumentale.
Pour sortir de cette ornière, le sociologue Michael Burawoy confronte cette œuvre aux théories les plus ambitieuses qui lui disputent la compréhension de la domination de classe, du racisme et du patriarcat, mobilisant les apports de Gramsci sur l’hégémonie, de Freire sur la pédagogie, de Beauvoir sur la domination masculine ou encore de Fanon sur le colonialisme. Lecture originale autant qu’introduction magistrale, ces Conversations soulignent les omissions et les contradictions d’une œuvre qui théorise la domination sans penser l’émancipation. Elles posent ainsi les bases d’un nécessaire renouvellement de la sociologie critique.
Diane Scott
Diane Scott est l’auteure de Carnet critique, Avignon 2009 (L’Harmattan, 2010) et de Ruine. Invention d’un objet critique (Amsterdam, 2019). Elle est la rédactrice en chef de Revue Incise, publiée par le Théâtre de Gennevilliers. Elle exerce la psychanalyse à Paris.
Ruine
« Une ruine nouvelle s’offre depuis une trentaine d’années, monumentale à sa manière et proliférante : villes détruites, murs en lambeaux, usines abandonnées qui ne cessent d’appeler le regard. Étrangement nous voulons toujours les voir, jamais repus de leur fouillis de natures mortes ou de leur austérité massive, jamais lassés malgré la répétition qui les constitue pourtant aujourd’hui en lieu commun. Il faut le reconnaître : la ruine est un objet d’amour. Elle nous tient à la merci de ses images qui, toujours plus vues et connues, ne perdent en rien de leur pouvoir d’attraction. Cette avidité qui fait que la ruine est partout et que s’en multiplient les images dans les galeries et sur les écrans, réelles ou fictionnelles, contient une dimension d’énigme. Quel est cet objet qui, si pauvre et sale et revu soit-il, nous tient ainsi l’œil en haleine ? Quel est ce désir de ruine ? »
D. S.
Le Capital déteste tout le monde
Nous vivons des temps apocalyptiques. Dans le magma des événements du monde, une alternative politique se dessine : fascisme ou révolution. Le fascisme, c’est ce vers quoi nous entraîne le cours de démocraties de moins en moins libérales, de plus en plus soumises à la loi du capital. Depuis les années 1970, celui-ci est entré dans une logique de guerre. Ainsi est-il devenu, par la puissance que lui confère la financiarisation, une force politique vouée à la destruction des liens sociaux, des individus, des ressources et des espèces.
Cette offensive fut rendue possible par la fin du cycle des révolutions. Mais tandis qu’elle s’opérait, les pensées critiques annonçaient la pacification des relations sociales et l’avènement d’un nouveau capitalisme, plus doux, plus attentif au confort des travailleurs. Aujourd’hui, des prophètes de la technologie nous vantent même une résolution de la crise climatique ou une sortie du capitalisme par les moyens du capital. Contre ces consolations illusoires et face au fascisme qui s’installe, il est urgent de retrouver le sens des affrontements stratégiques, de reconstruire une machine de guerre révolutionnaire. Puisque le capital déteste tout le monde, tout le monde doit détester le capital.
Le Vieux
Fruit d’une rencontre entre le sociologue Michel Kokoreff et le voyou Azzedine Grinbou, Le Vieux est un monologue qui retrace la carrière d’un délinquant. Né dans une famille ouvrière immigrée, «Le Vieux» grandit dans les Hauts-de-Seine. Après avoir quitté l’école à 14 ans, cambriolages, braquages et trafics de drogue lui permettent de rompre provisoirement le cercle de la reproduction sociale et de se hisser au sommet de la voyoucratie, avant d’en chuter. Décrivant l’ordinaire de la criminalité organisée, ses transformations entre 1970 et aujourd’hui, celles du travail, des prisons, des politiques publiques, Le Vieux n’est pas la geste héroïque d’un bandit. Il montre au contraire comment les criminels, mus par un désir mimétique, ont banalement incorporé les normes dominantes de la société de marché, comment l’exception rencontre la norme ; l’illégalisme, la loi ; l’aventure, la routine ; la déviance, le conformisme ; la marginalité, la domination dans une seule et même violence sociale.
De l’interpellation
Comment devient-on un sujet ? Tout d’abord en étant nommé, défini, singularisé, assigné à une place. En étant, en quelque sorte, « recruté » comme sujet par une autorité. C’est ainsi que Louis Althusser définissait l’interpellation dans un célèbre texte sur les « appareils idéologiques d’État », où il prenait l’exemple d’un agent de police hélant un individu (« Hé, vous, là-bas ! ») qui se reconnaissait immédiatement comme étant le sujet interpellé. Être sujet en ce sens, c’est être l’objet d’un assujettissement idéologique qui nous fait exister dans un monde commun.
Reprenant cet axe de réflexion, Jean-Jacques Lecercle en propose des prolongements originaux au fil d’un parcours aussi rigoureux que ludique, étayé par une multitude d’exemples allant de Frankenstein à Alice au Pays des Merveilles : là où Althusser privilégiait le discours, il insiste sur le caractère sensoriel de l’interpellation, sur sa dimension fondamentalement corporelle. Il étudie ses différentes formes (l’injure, le mot d’ordre, la rumeur) ; surtout, il élabore une théorie de la contre-interpellation, par où s’affirme l’autonomie du sujet, qui s’approprie la langue et détraque l’idéologie.