Queer Zones

Queer Zones. La trilogie regroupe les trois volumes du même nom publiés entre 2000 et 2011, dont le désormais classique Queer Zones. Politique des identités et des savoirs, qui a impulsé la théorie et la politique queer en France. On y voit surgir au fil des pages la post-pornographie ainsi que des explorations politiques, théoriques et personnelles qui renouvellent le féminisme, les études de genre et la théorie du genre. S’y croisent Wittig et Foucault, Butler et Despentes, Deleuze-Guattari et Monika Treut, à l’ombre des subcultures et des subjectivités minoritaires, vivantes et dissidentes, proliférantes et militantes.

Mêlant, dans un style flamboyant, recherche et critique, chronique et polémique, Sam Bourcier construit un féminisme pro-sexe et biopolitique qui est une réflexion plus large sur les relations entre pouvoir et savoirs, corps et disciplines. Ars erotica, ars theorica, ars politica : la trilogie est l’indispensable boîte à outils de celles et ceux qui veulent sortir des cadres hétéro- et homo-normatifs, du musée de la différence sexuelle et de la binarité – en un mot, vivre et penser comme des queers.

Iconologie

« Ce livre fait face à deux questions récurrentes […] : qu’est-ce qu’une image? quelle est la différence entre mots et images ? Il s’attache à comprendre les réponses traditionnellement données à ces questions en les rapportant aux intérêts humains qui, dans des situations spécifiques, leur confèrent une forme d’urgence. Pour quelle raison définir ce qu’est une image ? Quel intérêt y a-t-il à accentuer ou à gommer les différences entre mots et images ? Quels sont les systèmes de pouvoir et les échelles de valeur – autrement dit, quelles sont les idéologies – qui nourrissent les réponses à ces questions et en font des sujets de polémique plutôt que d’enjeux purement théoriques ? »

Géographie de la domination

Partout et constamment, la logique de l’accumulation capitaliste bouleverse les équilibres économiques et politiques, la technique et le travail, l’environnement et le climat, les sociétés et les formes de vie. Le capitalisme est, à quelque échelle qu’on le considère, un système de production de l’espace, c’est-à-dire un pouvoir de façonner les lieux, de modifier en profondeur les paysages, de transformer les rapports spatio-temporels. L’uniformisation du monde par le marché implique en effet une incessante prolifération des différences – économiques, sociales, géographiques, culturelles, géopolitiques. Ce dynamisme même fait du capitalisme un ensemble instable, en proie à des crises chroniques, perpétuellement contraint d’inventer des « solutions spatiales » aux contradictions qui le minent et aux catastrophes diverses qu’elles engendrent.
Production et destruction, homogénéisation et différenciation : pour comprendre un capitalisme désormais planétaire, donc se donner les moyens d’en sortir, de briser les rapports inégalitaires qui le fondent, il est essentiel de saisir les logiques spatiales de ce mode de production. C’est à cela que nous invite l’œuvre du géographe David Harvey, à laquelle ce livre se veut une introduction synthétique.

Micropolitiques des groupes

Qu’est-ce qui permet à un groupe militant de fonctionner? Comment se prémunir des pièges susceptibles d’entraver son devenir, des impasses dans lesquelles risquent de s’engager les subjectivités qui s’y nouent? Envisageant les groupes comme des écosystèmes aussi riches que fragiles, David Vercauteren traque les impensés qui hantent les collectifs lorsqu’ils se concentrent exclusivement sur leurs domaines d’intervention ou leurs objectifs macropolitiques.
À travers l’analyse d’une série de « situations-problèmes », il élabore un ensemble d’outils théoriques visant à nourrir l’émergence de nouvelles formes d’organisations politiques, à distance des habitudes psychologisantes, replis identitaires et autres passions tristes liées à l’héritage de la forme parti et du mouvement ouvrier. Ce faisant, il invite les groupes contemporains à développer un savoir nomade des processus et des conjonctures à même de nourrir une « culture des précédents » qui les renforce, tout en maintenant intact le désir d’expérimentation qu’ils manifestent.

Godard

Cet ouvrage étudie une période importante, mais longtemps négligée ou calomniée, de l’œuvre de Jean-Luc Godard : les années autour de 1968, durant lesquelles le cinéaste se politise, se réclamant du communisme puis du maoïsme.
Comment mettre son cinéma au service de la révolution ? Porter la révolution dans le cinéma lui-même ? Se situer, s’inscrire dans l’histoire du cinéma pour élargir ses possibilités et usages militants ? La Chinoise, Week-end, Tout va bien… Près de vingt films qui sont autant de laboratoires d’un cinéma politique révolutionnaire. L’association avec Jean-Pierre Gorin dans le « groupe » Dziga Vertov modifiera durablement sa conception du cinéma en déplaçant le cœur des recherches, de l’image vers le montage qui l’intègre.
David Faroult aborde chacun des films de cette période, les historicisant pour mieux cerner leurs inventions. Plutôt qu’à la biographie, c’est aux œuvres et aux propos qu’il s’intéresse. Ainsi, il apporte un nouvel éclairage sur le cheminement de Godard et sur l’histoire des années 68, en vue de nourrir des regards et des pratiques à venir.
L’étude est complétée d’un consistant recueil de documents inédits et de traductions.

David Faroult

David Faroult, maître de conférences en cinéma à l’École Nationale Supérieure Louis-Lumière est co-auteur de Jean-Luc Godard : Documents (Centre Pompidou, 2006) et de Mai 68 ou le cinéma en suspens (Syllepses, 1998). Il a présenté en bonus l’ensemble des films du « groupe Dziga Vertov » dans leur première édition en DVD (Intermedio, 2008).

Brigades rouges

Mario Moretti est arrêté en 1981, trois ans après avoir exécuté Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne au pouvoir et promoteur du « compromis historique » avec le Parti communiste. Dans cet entretien au long cours donné depuis sa prison de Milan, celui qui fut l’un des principaux dirigeants des Brigades rouges pendant les années 1970 pose un regard acéré sur la décennie qui vit l’émergence d’un mouvement massif d’insubordination dans la société italienne. Poussé dans ses retranchements par ses interlocutrices, il éclaire la série des événements et des ruptures politiques qui forment les « années de plomb », de la formation politique des premiers brigadistes au choix de la lutte armée et à sa mise en œuvre.

Ce faisant, Moretti ne livre pas seulement un portrait précis et nuancé de l’une des formations révolutionnaires les plus décriées du siècle dernier : il en restitue la trajectoire parmi les tumultes qui agitaient alors la péninsule, du contexte de la Guerre froide à la « stratégie de la tension » menée par le gouvernement italien. Et interroge le prix d’une radicalité qui se voulait intransigeante.

Christophe Hanna

Christophe Hanna a publié l’autobiographie Valérie par Valérie aux éditions Al Dante (2008), puis les explorations Argent (2018) et « Sorties brèves » (in A. Burlaud, A. Popelard, G. Rzepski [dir.], Le Nouveau Monde. Tableau de la France néolibérale, 2021) aux éditions Amsterdam. Il a mené une série de performances collectives regroupées sous le titre Agence de notation (2020) dans et avec diverses institutions culturelles, dont le Centre Pompidou et l’université Paris 8. Il a aussi écrit l’essai théorique Sociographies (Questions théoriques, 2024).

Argent

Durant quatre années, Christophe Hanna a enregistré et retraduit les propos relatifs à l’argent des personnes avec qui il entrait en contact pour les besoins de l’écriture de son livre. Auteurs, éditeurs, poètes, journalistes, directeurs d’institutions artistiques, familles, élèves et parents d’élèves sont ici réunis et classés par segments salariaux, dont la forme diagrammatique reproduit à l’identique la répartition des salaires en France. De Christophe254 à Pierre16000 en passant par Hocine1500 ou Nathalie2400, ce « rapport », où se devine l’influence de Francis Ponge, dessine un portrait statistique, trivial et intime à la fois, d’une partie du champ littéraire poétique, de ses protagonistes et de ses institutions.

Outre qu’il fait découvrir un microcosme très mal documenté, Argent éclaire, dans les récits qui le composent, l’ensemble des déterminations économiques et sociales de l’activité poétique. Loin de pouvoir s’excepter de la règle commune, celle-ci est marquée par de fortes inégalités et par l’existence d’un marché où transitent, s’échangent et se monnayent un entrelacs de titres et de valeurs.

La pensée straight

En 1978, Monique Wittig clôt sa conférence sur « La Pensée straight » par ces mots : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » L’onde de choc provoquée par cet énoncé n’en finit pas de se faire ressentir, aujourd’hui encore, dans la théorie féministe et au-delà. En analysant l’aspect fondateur de la « naturalité » supposée de l’hétérosexualité au sein de nos structures de pensées, que ce soit par exemple dans l’anthropologie structurale ou la psychanalyse, Monique Wittig met au jour le fait que l’hétérosexualité n’est ni naturelle, ni un donné : l’hétérosexualité est un régime politique. Il importe donc, pour instaurer la lutte des « classes », de dépasser les catégories « hommes »/« femmes », catégories normatives et aliénantes. Dans ces conditions, le fait d’être lesbienne, c’est-à-dire hors-la-loi de la structure hétérosexuelle, aussi bien sociale que conceptuelle, est comme une brèche, une fissure permettant enfin de penser ce qui est « toujours déjà là ».

Défaire le dèmos

Au cours des dernières décennies, l’efficacité a été érigée au rang de valeur primordiale au sein des sociétés occidentales : de l’évaluation des pratiques gouvernementales et des institutions au rapport à soi des individus, l’impératif de valorisation est devenu la norme, tout et tout le monde étant désormais traité comme capital. Analysant les transformations de l’université, celles de l’ordre juridique ou l’emprise acquise par le jargon des « meilleures pratiques », Wendy Brown montre comment la rationalité politique néolibérale – nouvel ordre du discours qui excède largement le domaine de l’économie – introduit partout la logique du marché. Reprenant le fil de l’étude du néolibéralisme là où Foucault l’avait abandonnée, elle explique que la logique sacrificielle qui sous-tend les modèles de la « gouvernance » et de l’homo œconomicus menace la possibilité même de constitution de sujets politiques et, par conséquent, les fondements de la démocratie.

La Plaine

Dans la plaine de la Beauce, région spécialisée dans la céréaliculture intensive, la modernité technicienne n’admet guère de critiques. Nuisances industrielles, surcharge de travail, endettement, maladies professionnelles : rien n’y fait. Dépossédés de leur métier, les agriculteurs continuent néanmoins, consentants ou résignés, à faire le pari du progrès. Alternant portraits de chefs d’exploitation et chapitres analytiques, ce documentaire éclaire d’un jour nouveau l’engrenage productiviste. Des exploitations agricoles aux réunions syndicales, des agences bancaires aux coopératives de semences, des formations techniques aux salons agricoles, La Plaine est une enquête sociale sur le consentement des travailleurs du productivisme et sur les forces sociales de l’inertie politique.

Spinoza et les passions du social

Si la philosophie de Spinoza nous parle, c’est par son aptitude à s’emparer, sans aucun égard pour la distance dans le temps, des objets et des problèmes de notre monde, sa puissance de défaire nos manières ordinaires de les penser, et de nous les faire voir autrement. Les contributions réunies dans cet ouvrage ont pour but d’éprouver à nouveau cette puissance et d’en montrer l’actualité. Elles se proposent de le faire à partir du double point de vue qui considère, d’une part, que le social est le milieu de la vie des hommes et, d’autre part, que, de ce milieu, les passions sont l’élément. Les individus n’ont d’existence que sociale, et cette nature sociale consiste en une certaine organisation du jeu des affects. Les passions du social s’en trouvent alors repérables à tous les niveaux : celui de la constitution de l’individualité, de l’opération des institutions, ou des processus de l’histoire.

Ce recueil est donc par destination une contribution au dialogue de la philosophie (spinoziste) et des sciences sociales. Les secondes offrent les questions qu’elles ont construites à la première, qui leur rend sa manière singulière de les envisager voire de les reformuler. Et cette mise au travail de la pensée spinoziste poursuit par là même l’exploration de ce qu’elle peut.

Avec les contributions de : Judith Butler, Kim Sang Ong-Van-Cung , Frédéric Lordon, Eva Debray, Christophe Miqueu, Nicola Marcucci, Nicolas Israël, Pierre-François Moreau et Pascal Séverac

Histoire des des révoltes panafricaines

Ce petit livre de C. L. R. James, dont la première édition est parue en 1938, la même année que Les Jacobins noirs, propose une histoire mondiale de la résistance des Noirs, de Saint-Domingue aux colonies africaines, en passant par les États-Unis et d’autres îles des Antilles.

Révoltes d’esclaves, émeutes, grèves, mouvements millénaristes ou antiracistes : rompant avec le cliché de populations subissant passivement leur exploitation, James souligne la diversité des rébellions, leur constance et leur place centrale dans le monde moderne. Ici comme ailleurs, ce sont les masses qui font l’histoire, dans les conditions et avec les croyances qui sont les leurs ; les leaders, Toussaint comme Nkrumah, Garvey comme Nyerere, sont toujours portés et produits par des processus collectifs.

Dans l’épilogue, écrit en 1969, James traite des luttes des Noirs aux États-Unis, des conflits ouvriers dans les Caraïbes et surtout de l’Afrique post-coloniale, prolongeant et précisant les analyses avancées trente ans plus tôt. Par son sujet comme par son traitement, ce livre n’a pas pris une ride – il pourrait même être en avance sur notre temps.

La Catastrophe invisible

L’ambition de ce livre est de donner de la profondeur historique à la catastrophe sanitaire et sociale que fut l’héroïne, à sa répression, aux dynamiques et cycles de sa consommation et de son trafic. Il raconte cette histoire dans ses multiples dimensions, sociale et économique, culturelle et urbaine, politique et géopolitique, en privilégiant le point de vue de ceux qui ont été ses acteurs ou témoins. Plus généralement, il prend l’héroïne comme analyseur, pour saisir ce que les drogues font à la société.
Le marché de l’héroïne se structure au cours des années 1950, mais c’est avec Mai 68 que s’amorce un premier tournant : dans ce bouillonnement politique, sociétal et culturel, les produits se diffusent au sein d’une jeunesse en quête de liberté et d’expériences. La fin des Trente Glorieuses marque un durcissement. La consommation d’héroïne s’étend et les sources d’approvisionnement se multiplient, bien au-delà du mythe de la « French Connection ». Les années 1980 sont un tournant majeur : on voit apparaître des « scènes » où les drogues sont vendues et consommées ouvertement dans les squats, quartiers délabrés, « banlieues » et autres « cités maudites ». Les ravages de l’héroïne deviennent de plus en plus visibles et sa diffusion joue un rôle central dans la construction du problème des banlieues dans sa version sécuritaire et racialisée. Les quartiers dits défavorisés vont être au cœur de sa diffusion mortifère, frappées par l’épidémie de sida, d’une part, et par les politiques répressives, d’autre part. Une bascule s’opère dans les années 1990 lorsque Simone Veil, ministre de la Santé, s’engage dans la mise en place d’un dispositif expérimental de réduction des risques.
L’histoire de l’héroïne est celle de la répression, de la guerre à la drogue et, en corollaire, de l’absence de culture de santé publique en France, mais c’est aussi celle d’un processus de transformation des appartenances collectives et des identités culturelles qui interroge le rôle des produits psychotropes dans le changement social.

Avec les contributions de Vincent Benso, Anne Coppel, Jean-Michel Costes, Claire Duport, Emmanuelle Hoareau, Michel Kokoreff, Aude Lalande, Alexandre Marchant, Fabrice Olivet, Michel Peraldi, Liza Terrazzoni.