La Marche pour l’égalité et contre le racisme

Trente ans après, que reste-il de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de l’automne 1983 ? Initiée par des jeunes du quartier des Minguettes à Vénissieux et des militants antiracistes de la Cimade à la suite des rébellions urbaines de la banlieue lyonnaise, cette mobilisation sans précédent symbolise l’apparition dans l’espace public des enfants d’immigrés post-coloniaux.

La Marche représente une sorte de « Mai 68 » des jeunes immigrés qui prennent la parole contre les crimes racistes, pour l’égalité devant la justice et la police, le droit au travail, le droit au logement, l’accès à la culture, etc. S’appuyant sur une étude empirique, La Marche pour l’égalité et contre le racisme se donne pour objectif d’éclairer certaines zones d’ombre d’un événement mythique mais méconnu. Il s’agit aussi pour Abdellali Hajjat d’une porte d’entrée idéale pour éclairer les relations sociales entre groupe national majoritaire et groupes minoritaires, au travers d’enjeux cruciaux pour la société tout entière : légitimité de la présence des immigrés sur le territoire, reconnaissance des déviances policières violentes, recrudescence des crimes racistes, passage de la rébellion violente à l’action collective non-violente, politisation des jeunes de cité, question post-coloniale, construction du « problème musulman », etc.

L’histoire de la Marche constitue un puissant révélateur de ces enjeux politiques toujours d’actualité.

Au-delà du développement

Le développement est aujourd’hui un concept hégémonique. Symboliquement lié à une promesse de confort, de bonheur, il réduit dans les faits la qualité de vie à des paramètres de croissance économique et de consommation. Il nous lie irrévocablement à un imaginaire situé, occidental et colonial, à des outils technocratiques et à des pratiques prédatrices qui nous ont amenés aux limites de ce que la planète peut supporter.

Pourtant, même au cœur des changements politiques radicaux à l’œuvre notamment en Amérique latine, les fondements du développementisme restent bien ancrés. Les  alternatives à cette imposition acritique doivent être économiques, mais aussi politiques, sociales et institutionnelles. Des concepts encore largement méconnus en France tels que le droits de la nature fondent en Amérique latine tout un courant de réflexion qui décale la perspective à partir de laquelle ces questions sont habituellement articulées dans le monde occidental, et qui apporte un éclairage radicalement nouveau et délibérément multiple sur l’échec des politiques néolibérales en matière de développement.

Ce livre regroupe des contributions de certains des penseurs critiques parmi les plus reconnus d’Amérique latine sur les questions de développement et d’écologie, parmi lesquels Alberto Accosta (ex-président de l’Assemblée constituante et fgure de proue des intellectuels de la gauche environnementale en Équateur), Eduardo Gudynas (chercheur uruguayen) ou Maristella Svampa (sociologue argentine).

Gayatri Chakravorty Spivak

Gayatri Chakravorty Spivak est directrice de l’Institute for Comparavative Literature and Society de Columbia University. Elle a traduit en anglais De la grammatologie de Jacques Derrida et de nombreux récits de l’écrivaine Mahasweta Devi ; elle a dirigé avec Ranajit Guha une anthologie, préfacée par Edward Said, des écrits de l’école historique indienne des subaltern studies ; et elle est l’auteure, notamment, de In Other Worlds. Essays in Cultural Politics ; Outside in the Teaching Machine ; A Critique of Postcolonial Reason: Toward a History of the Vanishing Present ; Death of a Discipline ; et de Other Asias ; ainsi que la co-auteure de plusieurs recueils d’entretiens et d’un dialogue avec Judith Butler, L’État global.

Pierre Macherey

Pierre Macherey a enseigné aux universités Paris I et Lille III. Il est actuellement chercheur associé à l’UMR « Savoirs Textes Langage » du CNRS. Ses travaux ont principalement porté sur la philosophie de Spinoza, les rapports entre philosophie et littérature, et la place occupée par la philosophie dans la société française moderne et contemporaine. Dernières publications : De l’utopie ! (De l’Incidence, 2011), La Parole universitaire (La fabrique, 2011), Études de philosophie « française », de Sieyès à Barni (Publications de la Sorbonne, 2013), Proust (Éditions Amsterdam, 2013) et Le Sujet des normes (Éditions Amsterdam, 2014).

Éditions Amsterdam a besoin de votre soutien

La volonté d’Éditions Amsterdam de proposer un programme fort et exigeant en sciences humaines, avec notamment un accent sur la traduction, reste intacte. Pour l’année 2013, nous avons entre autres édité le livre d’Yves Cohen, Le Siècle des chefs, qui a déjà remporté un grand succès d’estime dans le milieu universitaire, Dans le blanc des yeux de Maxime Cervulle, qui ouvre le champ encore inconnu en France des White StudiesLa Réification du désir, de Kevin Floyd, qui réconcilie théorie queer et marxisme, ou encore La Marche pour l’égalité et contre le racisme d’Abdellali Hajjat, enquête historique et sociologique rigoureuse et dynamique autour de la Marche de 1983, qui a été dans tous les journaux !

Cette volonté, pourtant, se heurte à des difficultés financières récurrentes, qui peuvent parfois entamer notre plaisir à travailler et nous empêcher de mener un certain nombre de tâches qui restent en suspens ou sont mal faites (par exemple, respectivement, tenir une réflexion sur le livre numérique, faire des plans presse solides…) ou d’investir dans du matériel et des logiciels qui pourraient nous permettre de mieux faire notre travail.

Voici quelques éléments d’explication sur ces crises que nous rencontrons régulièrement.

Nos problèmes sont principalement des problèmes de trésorerie. Sur l’année, nos sorties d’argent sont égales à nos entrées. Le souci, c’est que nous n’avons pas de matelas de trésorerie. Autrement dit, nous jonglons toujours avec les délais de paiement pour ne pas être à découvert.

Nos sorties d’argent ont été réduites au minimum : un petit loyer, deux smic, un imprimeur pas trop cher, et plus globalement des économies de bouts de chandelle. Mais les librairies indépendantes, qui sont nos alliées dans la chaîne du livre parce qu’elles peuvent nous promouvoir et mettre en avant nos livres, vivent aussi une sale période. Moins de librairies, moins de libraires spécialisés en sciences humaines… Tout ceci a aussi un impact sur nous. Les traductions de nos livres par des éditeurs étrangers sont globalement en baisse aussi, très probablement parce que la situation de l’édition indépendante à l’étranger ne va pas non plus en s’arrangeant. Nous faisons systématiquement appel au Centre National du Livre pour aider au financement de nos traductions, mais ces subventions au projet − qui sont par ailleurs les seules subventions que nous touchons − ne couvrent qu’une partie des coûts. Chaque traduction, presque sans exception, est une parution que nous faisons à perte et qu’il faut compenser par ailleurs.

Autrement dit, nous ne faisons pas de bénéfices et nous avons peu de raisons d’espérer une amélioration de la situation (augmentation des salaires, embauches) dans les mois et années à venir. Mais en jouant sur une amélioration de notre trésorerie, nous espérons au moins pouvoir être plus tranquilles d’esprit.

Si nous en appelons à la solidarité de nos lectrices et lecteurs, c’est que nous vous savons attachés à l’avenir d’Éditions Amsterdam et plus largement à l’avenir de l’édition indépendante. Avec quelques milliers d’euros en plus sur notre compte, nous pourrions travailler de manière bien plus sereine et ne pas nous poser trop régulièrement la question de notre survie.

Vous pouvez nous aider: continuez à offrir nos livres, à vous offrir nos livres, et à diffuser les informations concernant la maison et ses parutions, c’est important. Vous pouvez aussi nous faire connaître davantage auprès des libraires (ne serait-ce qu’en commandant nos livres chez eux et pas sur Amazon) ou des bibliothèques (en suggérant l’achat de tel ou tel livre pour leur fonds). Enfin, si vous en avez les moyens et l’envie, vous pouvez nous soutenir en nous envoyant un chèque de soutien, ou en nous faisant parvenir toute information sur des aides qui pourraient concerner notre activité et qui auraient pu nous échapper.

L’équipe d’Éditions Amsterdam
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Proust

Proust, écrivain et théoricien de l’art, n’a cessé de réfléchir aux rapports qu’entretiennent philosophie et littérature. Dans cet ouvrage, Pierre Macherey interroge la manière dont on peut faire de la philosophie avec du roman, et quel genre ‒ assez inhabituel ‒ de philosophie peut émerger sous cette forme. L’exemple de Proust est à cet égard très parlant : si l’intérêt philosophique de son fameux cycle À la recherche du temps perdu est incontestable, la nature de cet intérêt se dérobe aux critères de la philosophie en titre. La recherche de vérité à laquelle se livre Proust est inséparable des méandres que parcourt l’intelligence stylistique qui définit son travail d’écrivain ; un écrivain qui pense en écrivant, et qui ne pense qu’en écrivant.

Au cours de cette expérience philosophique parfaitement originale, littérature et philosophie, sans se confondre, communiquent et se stimulent réciproquement. Pierre Macherey suit ici pas à pas, et comme à l’aveugle, les tours et détours d’une réflexion qui fait texte en se romançant, et s’actualise à travers cet exercice que Proust a poussé à un degré de sophistication rarement égalé.

Le Sujet des normes

Selon Pierre Macherey, la question de la manière dont les normes opèrent ne doit pas être traitée dans l’abstrait. Il faut la rapporter aux nouvelles structures de socialisation et d’exercice du pouvoir liées au développement, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, du machinisme et de la révolution industrielle : ce sont ces structures qui définissent encore aujourd’hui la manière dont on devient sujet.

Ces structures, ce sont celles dont Marx a analysé la base économique dans Le Capital, et que Foucault, suivant une approche différente mais convergente, du moins sur certains points, a examinées en se servant du concept de « société de normes ». Des lectures croisées s’imposent donc. De Marx à Althusser, d’Althusser à Foucault, de Foucault à Fanon, de Fanon à Deligny, et ainsi de suite, Pierre Macherey dresse des ponts entre différents systèmes de pensée et nous invite à une promenade philosophique et politique destinée à mettre au jour les mécanismes idéologiques de cette société de normes.